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La parole des plus pauvres, une chance pour le monde

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Un regard dans l’Histoire, un autre sur la planète. Du nord au sud. D’hier à aujourd’hui.
Partout et toujours ceux qui sont nantis des richesses, des ressources et du pouvoir se sont appuyés et s’appuient sur la force de travail disponible de ceux que la pauvreté maintient dans la dépendance, l’impuissance et … le silence.


Et si, en imposant le dialogue, les plus pauvres réussissaient à créer un autre rapport de forces ? Et un autre partage ?

N’avoir rien, est-ce n’avoir rien à dire ?

« Dès que je suis en face de quelqu’un de « supérieur» (juge, avocat, policier, assistante sociale, instituteur, patron, et il y en a toute une brochette !…), comme beaucoup de gens, je n’ose rien dire et je m’écrase. Il y a un rapport de force qui s’installe : à priori ils ont raison et en fin de compte, mon sort dépend de leur décision.»

Les personnes, les familles, les travailleurs les plus démunis sont toujours soumis à des décisions que d’autres prennent pour eux. À tous les étages : des politiciens jusqu’aux travailleurs sociaux, quelle que puisse être la bonne volonté de ces derniers.

Ceux qui sont définis comme « sans» : sans toit, sans ressources, sans statut, sans adresse, sans respect, seraient-ils pour autant … sans mot à dire ?

Avec seulement la peur de ne pouvoir nourrir ses enfants, avec le froid, la faim, le mépris.
Avec l’immense détresse cachée derrière ces mots. Avec l’immense courage de lutter pour subsister chaque jour.

Les catastrophes naturelles émeuvent les télés du monde entier…
Quel cataclysme faudrait-il pour que l’Europe entende les ravages de la pauvreté sur ses propres terres ?

Prendre la parole. Pour exister.

« Quand j’ai rencontré le groupe de LST, j’ai découvert que ça pouvait se passer autrement. J’ai appris que j’ai des droits. Je ne le savais même pas. »
       
« LST, nous pouvons parler de ce que nous vivons parce que nous ne sommes plus seuls. Pas pour partager nos manques. Pour analyser ce qui produit la misère et chercher comment y résister. Ensemble, on prend le temps de lire et de comprendre les lois à partir de ce qu’on vit.
Et ça, ça donne de l’assurance ! »


» On s’exprime dans les Caves : partage du vécu, du savoir et des connaissances de chacun

Un homme existe lorsque sa voix est entendue. Connaître ses droits et ses devoirs ne suffit pas.
Encore faut-il oser parler, oser s’expliquer, oser demander. À l’école des enfants, à l’hôpital, au CPAS, auprès des administrations, des services sociaux… Face trop souvent à l’incompréhension et au manque d’écoute.

Parler pour obtenir ce dont on a besoin pour vivre. Parler pour obtenir d’être acteur dans la vie sociale : sans adresse, par exemple, pas de droit de vote…

Quand on lutte tous les jours, sur tous les fronts, pour ne pas tomber dans la misère, cela exige une énergie considérable.

Oser parler. Face aux préjugés.

Dialogue de sourds :

« Et pourtant, presque tous les pauvres en Belgique ont un GSM dernier cri. Ils en ont même plusieurs ! Sans parler de la TV (avec un écran plat !) et de l’abonnement Internet. C’est normal qu’ils soient en difficulté. Moi, j’ai aussi une famille et un budget à gérer, mais je m’accroche à mon boulot, pas toujours facile d’ailleurs, et je veille à honorer mes factures avant de me payer du surplus. C’est une question de priorité.»

Difficile, parfois, de faire entendre qu’un GSM puisse être plus qu’un GSM….

« Est-ce parce que j’en ai bavé toute ma jeunesse que mon gamin doit se priver à son tour ? Je me suis juré que quand j’aurais un gosse, il serait comme les autres. Qu’il aurait lui aussi ce que les autres ont. Qu’il ne connaîtrait pas la honte d’être toujours sans. »

C’est quoi une priorité ?
Qui sait le seuil supportable du manque, de la frustration, et du mépris ?

Forcer l’échange pour être entendu

Trop souvent, les initiatives prises par des personnes ou des familles ne sont pas reconnues comme une façon de refuser de nouvelles souffrances. Même si ce n’est pas toujours, comme on dit, raisonnable. Même si, à terme, cela se révèle être des erreurs.

Comment l’interlocuteur peut-il se mettre — vraiment — à la place de l’autre, sans avoir vécu ce qu’il a vécu ? Manqué de ce qui lui a manqué ? Bataillé ce qu’il a bataillé pour s’en sortir ?
Impossible de se comprendre sans s’écouter. Chacun dans son parcours personnel. Avec et malgré les idées préconçues et les préjugés.

Entre personnes qui vivent la pauvreté et personnes qui ne l’ont pas vécue.
Entre ceux qui disent leur résistance à la misère, leurs réussites, leurs échecs. et ceux qui avouent tout en ignorer.

Chacun a à apprendre de l’autre. Cela prend du temps. Avoir la chance de rencontrer quelqu’un qui écoute et regarde sans juger peut changer la vie. Rien n’est jamais définitif.

D’une parole personnelle à une parole collective

Un homme existe lorsque sa voix est entendue. C’est un début.
Un début inestimable : avant cela, sa voix n’est qu’un cri. Celui de la souffrance, de l’appel à l’aide.

Un début indispensable pour prendre sa place dans la communauté.
Mais c’est insuffisant. Il faut que s’élève une parole collective. Qui soit une revendication importante pour tous. Qui s’insurge. Qui ne quémande ni apitoiement ni charité.

Personne ne parlera des plus pauvres à leur place. Entendre leur point de vue et garantir leur analyse dans les lieux de décision est essentiel dans la lutte contre la misère.
Ce sont eux qui sont « en première ligne» dans une lutte contre la pauvreté.

Faire valoir ses droits

Même si par ailleurs ils manquent de tout, les plus démunis ont leur mot à dire pour ce qui les concerne. Et pour la vie de tous.            

La réalisation d’une société des droits de l’Homme s’évaluera du point de vue des plus pauvres. Une loi peut être dite bénéfique pour tous quand elle l’est … pour les plus faibles. On n’imagine pas à quelles tracasseries, à quelles réglementations insensées ils sont parfois soumis. C’est pour eux, d’abord, que les lois se doivent d’être prévoyantes, protectrices. Et incontournables. Jusque dans leur application.

Porter une parole de citoyen

Parler. Se faire entendre. Auprès des services sociaux. Plus haut aussi. Là où la non-écoute et la non-compréhension sont plus graves encore. Jusqu’à ceux qui pensent et votent les lois et mettent en œuvre leur application. À force de ne pas interroger ce que les plus pauvres ont à dire, le fossé se creuse entre les mesures prises et les difficultés de la vie – ou de la survie – auxquelles elles devraient répondre.

Une réflexion commune se construit, où le dialogue s’est rendu possible, à LST et avec d’autres (telles qu’ATD Quart-Monde et les associations partenaires du suivi du Rapport Général sur la Pauvreté, la plate-forme Associations 21, etc.), et dans d’autres lieux (tels que le Service de lutte contre la pauvreté, les associations qui se mobilisent dans le cadre du Plan Habitat Permanent dans les zones de loisir, les syndicats, des lieux de recherche et d’enseignement, etc.).

Mais un constat s’impose, alarmant : l’accession aux droits fondamentaux censés garantir à chacun l’indispensable est soumise à des conditions de plus en plus contraignantes, parfois arbitraires. De toujours nouvelles exigences, loin de contribuer à l’émancipation des personnes et des familles, les enferment toujours davantage dans la dépendance. L’intention est-elle de les aider à s’en sortir ou de les maintenir sous contrôle ?

Il est capital de leur rendre leur parole de citoyens qui ont leur rôle à tenir dans l’élaboration des politiques qui les concernent.

Quand parler, c’est résister

Mais … Faire valoir ses droits, c’est également faire de la résistance. La peur des conséquences paralyse. C’est pour cela qu’il faut s’y mettre ensemble.
La lutte contre la pauvreté, ce qui la produit et ce qui l’entretient, ne peut devenir une lutte contre les pauvres.

Depuis longtemps, depuis toujours, des hommes se rassemblent et s’organisent face aux injustices pour faire valoir leurs droits. La réalité sociale est faite de luttes pour faire avancer l’équilibre dans des intérêts contradictoires. C’est toute l’histoire des associations, des villes contre les seigneurs, … Et celle aussi des syndicats et des partenaires sociaux.

Le vrai problème, c’est que les pauvres, et les plus pauvres en particulier, ne trouvent pas, jusqu’ici, les moyens de créer un équilibre de force, une résistance qui soit suffisamment puissante pour imposer le dialogue et un autre partage.

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dernière mise à jour le 27 janvier 2017