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La famille, premier lieu de notre résistance

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La famille est pour nous le creuset de souffrances inacceptables.
Pour des papas, des mamans, être pauvre c’est vouloir, comme tous les parents, ce qu’il y a de mieux pour ses enfants. Mais se heurter chaque jour à de nouvelles difficultés, à de nouveaux obstacles. Et buter sur l’incompréhension, l’humiliation, la condamnation.
C’est se battre pour y arriver quand même et tous les matins recommencer à y croire.

Vous êtes intéressé ? N’ayez pas peur. Ça va secouer.

C’est la famille qui paie le prix le plus cher à la pauvreté !

Ici, on parle ensemble de la grande pauvreté
Comme vous n’y avez jamais pensé
Comme on n’en parle que quand on la vit
Comme on en parle … quand on la vit dans sa famille.

« Même si on a un travail, on doit choisir entre payer le loyer qui mange la moitié du salaire ; les charges de l’eau, l’électricité, le chauffage, les soins médicaux ; l’école ; un minimum de loisir… Et puis, il y a les contrôles sociaux qui guettent de tous côtés : si un enfant doit être hospitalisé, si on ne peut payer les repas ou les frais scolaires, si … Que va-t-il se passer ? On sera convoqué, interrogé, jugé, condamné, l’enfant sera placé, la famille déchirée. Sauf si on a la chance rare de rencontrer un travailleur social ou un juge qui nous entend et qui cherche à comprendre … »

« Pour la plupart d’entre nous, c’était déjà notre histoire. Enfants, nous avons connu la pauvreté, et ce placement qui cassait les liens. Certains d’entre nous ne connaissent pas leur famille, n’ont jamais vu ou revu leurs parents, n’osent chercher leurs frères et sœurs. Quand un lien se rétablit, il est fragile et ça fait peur. Dans nos mémoires et dans nos cœurs, les services d’aide sont de hauts lieux de souffrance et de mépris.
Quand l’intervention sociale divise la famille, c’est toujours un échec.
Nous en sommes les meilleurs témoins. »

Quelle violence !

Situons l’ampleur du phénomène :

  • En Belgique, 50% des enfants sont placés dès la toute première intervention de l’Aide à la Jeunesse (55,9 % en Communauté flamande et 46,6 % en Communauté française). [Source]

  • En Communauté Française, en moyenne, chaque jour, 19 759 jeunes en difficulté ou en danger sont pris en charge par les SAJ et SPJ en 2011. Parmi ceux-ci :
    - 11810 jeunes, soit 60%, sont pris en charge dans leur milieu de vie
    - 7 949 jeunes, soit 40%, sont pris en charge hors de leur milieu de vie (hébergement)
    [Source]

À LST, nous constatons que quand l’Aide à la Jeunesse est interpellée, c’est souvent pour des problèmes de logement ou parce qu’un enfant arrive trop souvent à l’école sans tartines, sans chaussettes, sans… Nous en déduisons que c’est pour cause de pauvreté que des enfants sont retirés de leur famille.
Sans tenir compte de ce que pensent leurs parents, de ce qu’ils disent et de tout ce qu’ils font pour sortir de leurs difficultés.

Nous sommes dépossédés de nos responsabilités. Nos familles sont déchirées.
Serions-nous de mauvais parents parce que nous sommes pauvres ?

Le problème est - d’abord - dans ce qui produit la misère

Toit, santé, revenu : quand la perte de l’un entraîne la perte de l’autre, l’engrenage menace. Et, très vite, s’emballe. C’est le cercle vicieux de la pauvreté. Le loyer trop élevé, les notes impayables, le frigo vide, le froid, la maladie qu’on ne soigne plus, la rue … Combler un trou en ouvre un autre !
Quand les précarités se conjuguent, la famille perd pied. Aucune ne peut s’en sortir sans aide. Malgré l’épuisante débrouille. Malgré la volonté d’y arriver.


Et pourtant …
Les droits au logement, aux soins de santé, à un revenu décent sont indiscutables.

Que pèse le regard des autres ?

Demander de l’aide au CPAS, à l’école, à l’ONE, au SAJ… exige un fameux courage.
Il faut s’expliquer, se justifier, déshabiller un morceau de soi, raconter sa vie, se répéter auprès de chaque intervenant…
Peur de l’incompréhension de ceux qui ne savent pas ce que c’est, peur de l’humiliation. Peur aussi de notre propre colère. Un regard qui juge, qui disqualifie, nous tire vers le bas, quand nous avons besoin de reconnaissance et de confiance.

Peur des « Vous n’avez qu’à ». Comme si nous n’avions pas déjà tout essayé !
Et, plus forte que tout, peur qu’on nous enlève nos enfants, parce que nous avons parfois connu cet arrachement dans notre histoire familiale, et parce que nous le voyons autour de nous.

Au lieu de nous aider à les élever !

Aide… ou contrôle ?

Parfois, nous avons besoin d’un coup de main, d’être soutenus, encouragés, accompagnés pour sortir de nos difficultés.
Alors, si tout un engrenage de contrôles se met aussitôt en place, si d’autres se mettent à trouver nos solutions, à décider pour nous, nous perdons confiance en nous.
Nous voulons être aidés, pas assistés. Les étiquettes font mal, surtout si elles atteignent nos enfants !

Où est l’urgence ?

Trop souvent, pour les services sociaux, « grande pauvreté» est synonyme de « danger »…
La tentation est grande d’intervenir en oubliant que tout se tient. Il faut travailler sur les vraies causes des difficultés d’une famille et soulager les intolérables souffrances de la grande pauvreté qui empêchent les parents d’élever leurs enfants comme ils le souhaiteraient.
Il n’est pas toujours urgent d’agir. Mais, face à un problème familial qui paraît grave, il est toujours urgent de s’asseoir et d’écouter la famille.
Comment grandiront les enfants qui ont vu leurs parents disqualifiés ? Le placement « pour leur bien» les blesse parfois à jamais. Nombreux sont les adultes d’aujourd’hui à pouvoir en témoigner.

Une politique de la peur ?

Des enfants et des jeunes sont parfois victimes de faits intolérables dont il faut absolument les protéger. Des situations de non-droit peuvent provoquer des débordements.
Face à la précarisation, de nouveaux services se sont créés, parfois dans une logique sécuritaire ou de contrôle social.
Confrontés à une relative impuissance à agir sur les grands défis économiques, les responsables politiques sont de plus en plus soucieux de répondre à une opinion publique préoccupée par des questions de sécurité. Au nom de cette dernière, ils mobilisent une énergie et des moyens énormes, mais, le plus souvent, en attribuant la responsabilité des difficultés aux personnes et aux familles elles-mêmes. Quand médias relayent cette façon de voir, ils contribuent à construire une société qui ne supporterait plus le risque, une société de la « tolérance zéro ».

Le travail d’éducation, de responsabilisation et d’émancipation des parents et des professionnels, qu’il se situe au sein de la famille, de l’école ou de la société est alors compromis parce qu’il suppose une inévitable et nécessaire prise de risque. Celle-ci consiste à permettre des regards croisés, des évaluations diverses en partenariat.

Le problème est aggravé quand l’aide est inefficace

Apporter une réponse partielle, à court terme, ne résout rien du tout.
Au contraire : elle fragilise davantage la famille, quand elle ne la déchire pas !

Les mesures d’aide sociales sont inefficaces et coûteuses en moyens et en argent pour la société, en désespérance pour la famille,
- si elles aboutissent au placement des enfants ;
- si elles ne tiennent pas compte de la situation de la famille dans son ensemble (le "paradoxe du frigo" présenté ci-dessous illustre cela) ;
- si elles s’imposent de l’extérieur, sans écoute, dans le déni des ressources propres de la famille, de son point de vue et de ses recherches de solutions.

Vous voulez des exemples ? Lisez plutôt : 

« On me reproche de me désintéresser de ma fille…

« Et moi, dans l'attente interminable d'un logement social…

Savez-vous que ?  Savez-vous que... ?

Selon l'association de défense des enfants placés, Le fil d'Ariane, la procédure de signalement d'enfant en danger coûte 5 000 € en frais de justice.
Le placement qui s'ensuit coûte à la collectivité 1 250 €/mois (15 000 €/an) par mois et par enfant, en famille d'accueil, voire le double 2 500 €/mois (30 000 €/an) pour un placement en foyer (en institution).

Chiffres valables pour la France. La situation est comparable en Belgique. Source : La famille, une affaire publique. Rapport de Michel Godet & Évelyne Sullerot pour le Conseil d'Analyse Économique, 2005, p. 34

Savez-vous que ?  Le paradoxe du frigo

Le 'paradoxe du frigo'

« Le matin, le frigo doit être vide lorsque passe l'assistant social du CPAS, car il faut montrer qu'on a besoin de l'aide financière. L'après-midi, le frigo doit être plein pour le Service d'Aide à la Jeunesse, sinon il va penser que les enfants sont mal nourris et qu'il vaut mieux les placer.
Il y a une véritable incohérence entre les interventions des différents services au niveau social. »

On peut faire autrement.
Oser miser sur la famille !

infos
» N'hésitez pas à contacter la Fédération LST (ou l'une de ses locales).

Désireux de mieux comprendre notre point de vue ?
Notre méthode ?
De relever le défi avec nous ?

À LST, nous sommes prêts.

Pièce au puzzle  Notre pièce au puzzle

Au sein du Mouvement LST
Finis les préjugés faciles et réducteurs !
Depuis longtemps, de semaine en semaine, nous nous rassemblons pour construire une parole commune en Atelier Famille et dans les réunions Caves. À partir de ce que nous vivons tous les jours.
Pour que changent les pratiques.

Avec d'autres, une expérience novatrice

Croiser les regards pour se comprendre ? C’est possible.
En 1995, l’administration de l’Aide à la jeunesse a reçu instruction de sa Ministre de tutelle d’amorcer un dialogue permanent entre des familles qui vivent la grande pauvreté et des professionnels de l’aide à la jeunesse. Avec la collaboration de la cellule pauvreté, devenue depuis Service de lutte contre la pauvreté [3].

Le groupe Agora s’est formé. Y participent LST et ATD Quart-Monde, aux côtés de l’Administration générale de l’Aide à la Jeunesse et de représentants des travailleurs des Services d’Aide à la Jeunesse (SAJ) et de Protection Judiciaire (SPJ).

Cette expérience est novatrice parce qu’elle réunit dans une démarche partenaire des familles et des professionnels afin de croiser leurs regards sur le texte et la pratique du décret relatif à l’Aide à la Jeunesse. Ce travail délicat implique bien entendu le tissage progressif d’une relation de confiance et égalitaire entre les membres du groupe.

Nous sommes en première ligne !

Nous voulons élever nos enfants. Nous en sommes capables. Même si parfois nous avons besoin d’un soutien, d’un engagement adéquat des travailleurs sociaux dans la lutte contre la pauvreté.
Nous sommes les seuls à pouvoir parler de notre point de vue. Si d’autres s’en chargent, nous sommes à nouveau dépossédés.

Nous sommes les seuls à être réellement « en première ligne »… Les institutions et les services d’aide trop souvent désignés pour parler de nous à notre place … ne sont pas à notre place !

Parfois demandeurs, mais surtout partenaires.

Nous demandons à être associés aux décisions qui touchent à notre famille.
Nous demandons que les services sociaux soient à nos côtés dans notre combat.
Nous demandons un dialogue entre ceux qui vivent la pauvreté, parfois depuis leur enfance, et ceux qui ont en main les clés, les atouts, le pouvoir.
Nous demandons que les pouvoirs publics fassent une priorité de la lutte contre ce qui produit la pauvreté.

Qu’ils s’y engagent avec nous. En agissant. Pas seulement dans leurs discours !

En savoir plus ?

Vous voulez prolonger la réflexion sur ce thème, voici quelques liens utiles :

[1] Lutte contre la pauvreté, Rapport 2008-2009, Partie 1, Une contribution au débat et à l'action politique, Service de Lutte contre la Pauvreté - Chap. IV Le lien entre pauvreté et Aide à la Jeunesse : une recherche qui appelle au dialogue, p. 194, 2009

[2] Rapport de l'aide à la Jeunesse numéro 0, année 2011, publication mai 2013, Liliane Baudart, Fédération Wallonie Bruxelles, pp. 18-19

[3] Le Service de lutte contre la pauvreté, logé au sein du Centre pour l'égalité des chances, a été créé en 1999 par l'accord de coopération relatif à la continuité de la politique en matière de pauvreté. Plus d'info : www.luttepauvrete.be

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dernière mise à jour le 29 novembre 2017